Mohamed Ben Allel Sidi Embarek, aussi glorieux que Abdelkader ?

29 octobre 2014

Mohamed Ben Allel Sidi Embarek, aussi glorieux que Abdelkader ?

Et si on changeait le contenu des manuels d’histoire de l’Algérie pour la période de résistance à l’invasion française ? C’est ce qui semble être dit d’une manière très convaincante par un des descendants de Mohamed Ben Allel Sidi Embarek, Ahmed Mebarek Ben Allel, diplômé de sciences politiques et auteur du livre « La tête dans un sac de cuir » co-écrit avec Nicolas Chevassus-au-Louis, paru aux éditions du Tell en 2011 et réédité depuis.

Stèle bientôt édifiée à Koléa, à l'entrée du pôle universitaire
Stèle bientôt édifiée à Koléa, à l’entrée du pôle universitaire
Reçu au siège de l’association Sidi Ali Embarek à Koléa et à l’intérieur du domicile de l’auteur, accompagné de son ami Rachid Boukhari, auteur d’un livre sur un chantre de la musique populaire dite chaâbie, « Bourahla, le style kheloui » paru également aux éditions du Tell, une maison rappelant les vestiges de l’Algérois des années de la Régence d’Alger avec les cuivres, les plateaux, les chandeliers, la faïence jusque dans le salon où trônent les portraits de l’ascendance de Ahmed Mebarek. Dans les années trente du XIX°siècle, le saint gardien de la zaouia fondée à la fin du XVI°siècle à Koléa était Hadj Mahieddine Es-S’ghir, l’oncle de Ben Allel, un sage parmi les sages qui voyait en Ben Allel le digne successeur pour continuer la tradition maraboutique.
Entrée de Koléa, la zaouia des Embarek
Entrée de Koléa, la zaouia des Embarek
C’était le 23 juillet 1830 qu’eut lieu, avec forts documents à l’appui, la grande assemblée à Koléa où nombre de tribus de la province d’Alger représentés par leurs chefs vinrent demander conseil à El Hadj Mahieddine Es-Sghir et proposer de « céder » Alger à El Hadj Mahieddine Es-S’ghir, seul à même de préserver les tribus arabes de l’anéantissement, en concluant un « contrat » avec l’envahisseur français. Ce dernier aurait même proposé le titre d’ « Agha » des Arabes en la personne du général Berthezène venu spécialement à Koléa.
Porte d'entrée du lieu où repose Sidi Embarek
Porte d’entrée du lieu où repose Sidi Embarek
Toute la smala des Embarek sera emprisonnée à la Casbah alors que les Embarek, le mufti et le cadi de Koléa ne s’y attendaient point à un tel sort. Hadj Mahieddine Es-S’ghir avait fui à Miliana. C’était l’étonnement après avoir pourtant reçu en juillet 1831 le titre d’agha et tout ce qui allait avec : argent, garde personnelle, escorte et autorité en échange de sa fidélité à la cause des Français. Tout changea avec la nomination du duc Savary de Rovigo et les massacres perpétrés par ce dernier à la moindre résistance des tribus arabes. Le baptême de feu de Ben Allel aura lieu le 2 octobre 1832 pour se terminer après de multiples combats aux côtés d’Abdelkader dont il était un des lieutenants les plus guerriers, en novembre 1843. Le général Bugeaud déclarera qu’il en était fini de la résistance algérienne avec la mort de Ben Allel. Il y eut, entretemps, le traité de la Tafna où l’émir Abdelkader rendait les armes devant le général Bugeaud le 30 mai 1837, en bénéficiant des terres à l’ouest et au centre du pays, Koléa demeurant sous la coupe des Français.
des saints et des guerriers, telle est la famille Embarek
des saints et des guerriers, telle est la famille Embarek

L’auteur du livre, dans un échange acéré, voulait mettre l’émir au second plan, « sinon comment expliquer qu’à cette époque, cet homme puisse venir lever une armée au centre du pays s’il n’y avait pas Ben Allel et son oncle ? ». Ahmed Mebarek Ben Allel, auteurLe beau rôle est attribué à ses ascendants, sur la foi des témoignages oraux –cette fois- pour évoquer un échange –cf page 66 et suivantes- où il était proposé à Mahieddine Es-S’ghir de devenir le khalifa d’Abdelkader à partir de 1835. Cette alliance aura pour effet de combattre les tribus du Titteri qui avaient refusé l’allégeance puis d’affronter l’armée française et lui faire subir des défaites mémorables jusqu’à décider Paris à nommer de nouveau le maréchal Clauzel. Guerres entre tribus arabes, jalousies des uns et des autres avec les diverses nominations telles celle de El Berkani en 1835 puis la nomination du bey Benomar par les Français en 1836 après la prise de Médéa.
L’émir qui combattra la dissidence des Tidjani au Sud du pays avait nommé comme khalifa –son remplaçant- Ben Allel qui devait faire respecter par les siens le traité de la Tafna. L’auteur Ahmed Mebarek Ben Allel insistera sur le dilemme de Ben Allel quant à son allégeance au Pouvoir de l’émir ou sa démission. Il mourra les armes à la main après avoir accepté de rejoindre l’émir du côté de la frontière algéro-marocaine. Sa tête sera tranchée et exhibée par l’armée française afin de faire taire toute idée d’insurrection aux tribus du centre et de l’ouest du pays qui voyaient en Ben Allel leur guide et leur sauveur.
Il faudra sans doute replacer les années de combat de Ben Allel à travers le refus de la conquête française, aux côtés de l’émir Abdelkader dont le rôle est un peu « trop » mis en avant dans les manuels scolaires. M. Ahmed Mebarek Ben Allel prépare un second livre pour encore mieux faire connaître la smala des Embarek.

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