Virée en Kabylie
Derniers jours du mois de juillet et une chaleur terrible règne sur la plaine de la Mitidja et son chef-lieu, Blida. S’échapper de cette fournaise devenait une nécessité et l’idée de rendre visite à un ami sur les hauteurs de Kabylie, à 140 km, du côté de Draâ Ben Khedda, sis à 10 km au sud de Tizi Ouzou, s’imposa d’elle-même.
En famille sur la route, la découverte des riches paysages du Nord algérien a séduit les filles. La route en lacets menant au village de Tirmitine fit découvrir un des aspects positifs de la politique de l’habitat rural pris en charge par les gouvernants : pratiquement plus de gourbis et ces constructions en dur libérèrent un sentiment de fierté, fortifié par l’arrivée du gaz naturel. L’électrification rurale a déjà apporté son lot de satisfaction. Cependant, le sous-développement frappant la jeunesse de la localité était évident : pas d’infrastructures sportives et culturelles !
Un festival local de la poterie est organisé à Maatkas, à une vingtaine de kilomètres de Tirmitine, mais en voulant trop bien faire, le résultat laissait entrevoir une sorte d’anarchie. Un auteur lui-même journaliste était isolé sur une chaise scolaire et attendait d’éventuels acheteurs.
Les gens préféraient les ateliers.
Bijouterie, vannerie, métiers à tisser, sculpture sur pierre
et expositions de livres figuraient à l’intérieur d’un collège où étaient également invités des délégations venues de Batna et du Sahara.
Il fut dit que des conférences sur l’amazighité avaient été tenues durant la semaine, avec « la poterie comme élément pour sauver l’âme amazighe », mais cet art existe un peu partout dans les contrées berbères, jusqu’à Tipasa et Bou Arfa (w. Blida) sans qu’il y ait cette impression de disparition. Une vieille femme de 72 ans, Mme Ouardia, s’attelait à la confection d’un vase, manuellement.
C’est aux autorités de lui procurer de quoi assurer la relève par l’octroi de moyens modernes et lui donner même l’occasion d’intervenir dans les centres de formation pour enseigner ce qu’est la bonne argile, comment la nettoyer, la décorer avant de la vendre. Beaucoup de femmes sont venues voir l’expo ou le festival, recherchant sans doute des souvenirs dans ces métiers traditionnels.
De Tirmitine, l’escapade nous a emmenés vers Tigzirt, au bord de la mer, à travers une montagne de forêt dense où le liège est exploité.
A Tigzirt sur mer, les plaisirs de la Méditerranée n’ont pas fait oublier qu’il existe peu d’infrastructures pour l’accueil des vacanciers, nationaux ou étrangers.
Beaucoup reste à faire !
Même la forêt de Yakouren le lendemain n’a pas fait oublier l’absence d’initiatives pour attirer plus de touristes. Paysages merveilleux qui demandent à être rentabilisés par la population locale.
A Béjaia, sur le littoral, des jeunes ont trouvé le filon en proposant des randonnées en mer avec les barques octroyées pour… la pêche.
Mehdi, un propriétaire de barque, signalera qu’il fait de la pêche le matin avant de se consacrer aux personnes qui aiment les promenades : « C’est moins fatigant et ça rapporte mieux ! » fera-t-il remarquer.
Sur les hauteurs de la ville de Béjaia –ex-Bougie- Yemma Gouraya veille sur ses résidents. La sainte patronne de la ville, selon les croyances, se trouvait au point culminant sis à 650 m et où Espagnols, Français puis Algériens établiront des forts dominant la vue sur la mer. L’endroit est très fréquenté, mais le singe magot, présent avant l’Homme sur les lieux, se voit envahir par des êtres qui dénaturent son fief.
Avec plus d’un million et demi le nombre de visiteurs par an, l’endroit devrait être plus surveillé sur le plan environnemental.
A Tizi Ouzou, on ne remarque pas beaucoup la présence policière, tout comme la gendarmerie sur la route et le calme relatif incite les gens à sortir et à veiller. Cependant, les boutiques et les commerces ferment tôt, au grand regret des visiteurs. Même le musée de la ville était fermé dès 15 h, laissant des gens de passage sur leur faim !
Au salon de l’artisanat, les boutiques « brillent » par leur solitude. Pourtant, le lieu d’activités est situé en plein centre-ville !
A Bouzguène, sur les hauteurs de Azazga, on remarque tout de suite la présence d’enfants venus de France : ce sont les familles d’émigrés qui viennent passer leurs vacances au « bled ». Une forte communauté émigrée ramène un argent qui se traduit par de belles constructions en dur et c’est tout au bénéfice des mères et grand-mères restées sur place.
Entre les forêts d’Akfadou et de Yakouren, la ville étend ses branches traduites par tous les hameaux sur les crêtes des montagnes et que Mouloud Feraoun avait si bien décrits dans « Jours de Kabylie » et « Les Chemins qui montent », mais lui-même, s’il revenait, ne reconnaîtrait pas la région.
Même si on aperçoit de temps à autre des femmes qui vont à la source, le robinet à la maison a remplacé le puits et la source ; ne demeurent que certaines sources pour lesquelles on « descend » non pas avec des cruches mais avec des bidons et des jerricans.
Des maisons à plusieurs étages dominent le paysage et semblent narguer les fortifications militaires qui tentent de s’implanter afin de déloger le « terrorisme résiduel », une expression chère au président Bouteflika. Malheureusement, le terrorisme persiste depuis plus d’une décennie.
Les Kabyles, les Berbères, les Algériens de la région s’accommodent de cette situation. Ils attendent la rentrée avec un débat sur la langue d’enseignement à l’école primaire, arabe dialectal, arabe littéraire ou amazighe ?
Le débat fait déjà rage durant ces vacances. Déjà que certaines plaques sont traduites en trois langues…
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