Kamel Daoud en sujet de devoir

Article : Kamel Daoud en sujet de devoir
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29 février 2016

Kamel Daoud en sujet de devoir

Au moment où le romancier et journaliste Kamel Daoud se trouve sous les feux de la rampe pour sa prise de position très remarquée et violente contre les événements de Cologne survenus à la fin de l’année 2015, un établissement scolaire de Blida a choisi de prendre des passages de son roman La Préface du nègre,publié aux éditions Barzakh en 2008, comme pré-texte à un devoir de fin de trimestre. Des potaches de 1ère année secondaire (15 à 17 ans) et 1ère année moyenne (11 à 13 ans) ont disséqué des passages du romancier, une manière d’apprendre l’existence de cet auteur algérien. Ces enfants étudient la langue française comme langue étrangère à raison de quatre à cinq heures par semaine et la réalité toute crue d’une actualité brûlante les intéresse.

Sujet portant sur un texte de Kamel Daoud
Sujet portant sur un texte de Kamel Daoud

Quand les moyens de communication modernes tels facebook, tweeter, mails envahissent la Toile, un juste retour au bon livre en papier, avec une reliure illustrée et les senteurs des feuilles qu’on tourne du bout des doigts, réconcilie le jeune avec le mode d’apprentissage des parents… quand ces derniers ont lu et pris connaissance de la littérature en français -ce qui n’est pas sûr-  Cette dernière foisonne avec des auteurs de la vieille génération et des nouvelles générations, comme Assia Djebbar, Rachid Mimouni, Maïssa Bey venant à la suite de Kateb Yacine, Mohamed Dib puis les auteurs actuels, Boualem Sansal et Kamel Daoud en premiers de par leurs positions vis-à-vis de l’actualité.

Pas facile d'être dans l'opposition
Pas facile d’être dans l’opposition

Il n’est pas facile de se retrouver, en l’absence d’une critique constructive, éloignée de tout dogmatisme, de proposer aux jeunes une -ou des- lecture(s) d’auteurs algériens francophones. Amin Zaoui, en parfait bilingue, se trouve être suivi et lu par la communauté estudiantine, tout comme Wassiny Laaredj. Questionnés sur le sujet de la littérature algérienne d’expression française, les jeunes lycéens avouent dans un large sourire ne connaître aucun romancier, même en langue, tant leur éloignement -évasion- de la chose écrite est devenue marquante. « Nous lisons seulement des messages sur facebook ou dans nos smartphones » affirme sans gêne une jeune fille qui a pourtant son bac à passer l’année prochaine.

Toute l'actualité autour de Kamel Daoud est ignorée par les "petits"
Toute l’actualité autour de Kamel Daoud est ignorée par les « petits »

Ainsi, dès qu’un sujet de langue française fait référence à un homme de lettres, c’est le désarroi total ! Filles et garçons de cet âge entendent parler vaguement d’auteurs algériens du temps de la colonisation comme Mouloud Feraoun, Mouloud Mammeri mais butent sur les titres de romans et citent des extraits « imposés » lors de leur cursus au collège.

Kamel Daoud à France2

Une enseignante de langue française -FLE- affirme qu’elle a elle-même du mal à entamer la lecture de romans algériens, prise par la connexion, la messagerie, les corrections et les préparations. « Il faut me mâcher toutes ces lectures pour que je puisse en dire quelque chose à mes élèves » révélera-t-elle. Que dire lorsque de nouveaux enseignants de FLE assènent qu’ils n’ont lu aucun roman -algérien ou autre- durant le cursus universitaire et qu’ils s’étaient contentés de résumés puisés à travers la Toile ? Des enseignantes et enseignants qui vous sourient en affirmant qu’ils n’ont aucun roman dans leurs bibliothèques personnelles. « Quoi en faire lorsque Internet et Google nous apportent l’aide quémandée ? » L’amour de la lecture est inconnu chez bon nombre des nouveaux fonctionnaires de l’éducation nationale algérienne ! Où chercher le tort ? Comment espérer que les nouveaux potaches vont aimer la littérature ? Ce dernier mot va-t-il disparaître du langage des moins de vingt ans ? Faudra-t-il tirer la sonnette d’alarme ?

Une littérature riche mais ignorée
Une littérature riche mais ignorée

Pour qui donc écrivent ces romanciers ? A des publics autres qu’algériens ? Le savent-ils au moins les Kamel Daoud, Maïssa Bey et autres romanciers du Maghreb francophone ? Rachid Boudjedra, autre romancier algérien post-indépendance, s’est mis à la langue arabe ? Est-ce la solution ? Yasmina Khadra continue à être lu et traduit dans des dizaines de langues mais est-il connu dans son propre pays ?

Un auteur encore inconnu dans les lycées
Un auteur encore inconnu dans les lycées

Les cafés littéraires, les émissions littéraires à la télé algérienne, les rencontres scolaires avec ces femmes et ces hommes qui apportent une part de l’imaginaire collectif, tout devra contribuer à faire connaître cette saine évasion dont ont tant besoin les jeunes des villes « rurbanisées », des villages où rien ne bouge, des établissements scolaires où seule la course au diplôme est de mise !

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