Printemps blidéen

Article : Printemps blidéen
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18 avril 2016

Printemps blidéen

Blida volée, étranglée, violée…

 

Blida, ville des roses que chantèrent les poètes

Fleurs, fruits, florilèges, vert qui domine,

Bâtisses, pavés, béton, invasion qui étrangle

Rues, ruelles, avenues sentant l’air nocif

Drogues au quotidien que les jeunes reniflent

Faute d’horizons clairs en ce siècle si sombre

Sidi Kebir aurait pleuré s’il se trouvait parmi ces jeunes

Des jeunes venus pour beaucoup de contrées lointaines

Que des parents, alléchés par les armes et le ciment

Ont envahi par la cause du dinar, ce damné.

Abdelkrim MEKFOULDJI

Ville qui se détruit, se construit
Ville qui se détruit, se construit

 

Le Blidéen de souche voudrait tant fêter le Printemps de sa ville natale, autant que les Berbères qui ont voulu depuis un certain 20 avril 1980 faire sienne cette journée afin de rappeler à tout le monde leurs origines, revendiquant une reconnaissance que lui refusent les détenteurs du Pouvoir en Algérie.

L'art comme un retour aux sources
L’art comme un retour aux sources

36 ans aujourd’hui que cette manifestation populaire a marqué les esprits. Celles et ceux qui  y prirent part dépassent la cinquantaine. Le sang du renouveau pointe à l’horizon avec de nouvelles générations et -plutôt mais- que devient la ville de Blida ? Capitale de la Mitidja, elle est voisine d’Alger la capitale qu’elle protège par ses dizaines de casernes. Un statut que les autochtones depuis plusieurs siècles refusent à travers les enfants de l’indépendance. Les plus âgés vivent sur la nostalgie de moments éclairs au regard de l’Histoire depuis l’arrivée de celui que tout le monde veut considérer comme le fondateur de la ville, Sidi Kebir, en 1535. Des bribes de l’Histoire rapportées par les voyageurs et les conquérants demeurent des termes quelques bastions attestant de la noblesse des hommes ayant occupé ces espaces et enfanté plus que des braves : Ouled Soltane, un quartier qui veut tout simplement dire « occupé » par les enfants du roi, « Qasrouna » que l’envahisseur français transformera par défaut de langue en « Khazrouna » et devenant ainsi pour des millions d’êtres un lieu-dit digne par endroits du quart-monde.

Aux alentours du mausolée de Sidi Kebir
Aux alentours du mausolée de Sidi Kebir

Roses, jardins, lavande, thym, jasmin ont fait la renommée des maisons familiales avant que la course à l’enrichissement et une inexplicable invasion rurale par dizaines de milliers ôtera tout sens de respect des lieux et des personnes. Aujourd’hui, au XXIème siècle, le bilan plus que négatif de la situation de la ville sur tous les plans, appelle à une prise en charge de la question identitaire. Le citoyen de Blida existe-t-il ? Durant les décennies soixante et soixante-dix, le Pouvoir avait voulu tout cachet particulier à toutes les villes d’Algérie : Alger, Médéa, Constantine, Béjaia, Blida s’appauvrissaient culturellement et les signes locaux disparaissaient au profit d’un seul, celui de l’Algérien ! Le voyageur marquant une halte dans une des villes pouvait lui donner n’importe quel nom, autant celle-ci ressemblait à toutes les autres. Et le citoyen, terme désignant l’habitant de la Cité devenait un homme quelconque, un individu sans âme, un « mouton » comme le rappelait Nazim Hikmet, cet autre poète fait prisonnier à cause de ses vers, dans « La plus drôle des créatures ».

L'âme de la ville a disparu
L’âme de la ville a disparu

Les tirades à l’andalouse du Blidéen, objet de moqueries chez certains, reviennent pour être revendiquées, les enfants de « Sept cents » –Ouled sebâa mia-, en référence au tarif de la passe dans le bordel de la ville, autre tâche sombre de l’occupation française, identifiaient non pas le Blidéen de souche mais le parvenu arrivé dans le ventre ou dans le coffre des familles installées nouvellement dans cette agglomération protégée durant des siècles par des portes que le colon occupant de la ville détruira jusqu’à ne plus être reconnues. Bab khouikha, Bab ezzaouia, Bab sebt, Bab Rahba, Bab dzaier, Bab lqbor et Bab lqseb marquaient les limites inviolables d’une ville que chanteront avec tant d’émotion les regrettés Toubal, Nouni et Kessoum.

Troupe de musique andalouse El Djenadia
Troupe de musique andalouse El Djenadia

Les plats cuisinés par les gardiennes des traditions, ces mères au port altier, refont comme par miracle surface : la hammama, la bata fliou, le boubraïs se laissent humer dans des foyers où la musique locale cohabite avec l’andalou, un genre vivifié par des associations locales qui s’imposent. Le retour aux sources s’opère au travers d’une histoire malmenée, édulcorée, travestie et le travail de mémoire est pris en charge, pour le plus grand bien des « nostalgiques » d’une Algérie plurielle culturellement parlant. Le Printemps blidéen, le vrai, s’annonce.

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