Abdelkrim Mekfouldji

Médiathèque de Blida, unique !

Lieu convivial pour la jeunesse
Lieu convivial pour la jeunesse

La médiathèque Hadj Mahfoudh Mahieddine à Blida rassure et laisse entrevoir un soupçon d’optimisme à travers ce qu’elle offre à la jeunesse. 11 activités et pas moins pour une médiathèque sise au milieu d’une cité au nom flatteur, les Rosiers », à Blida et qui compte près de 1.200 adhérents possédant carte et des visiteurs occasionnels pour chaque jour de la semaine puisque le centre ne désemplit jamais. « Nous ne sommes point dans une cité dortoir » a aimé déclarer le directeur, Mr Rahmani Fadhloune, en charge de la médiathèque depuis l’année 2005, date de la rétrocession du lieu à la jeunesse et les sports de Blida par la mairie du chef-lieu. Quinze millions de dinars algériens avaient été nécessaires pour la restauration, la rénovation ainsi que la dotation en matériel et personnel. Deux niveaux occupent les quelque 1000 m² où les jeunes de tous les environs se retrouvent.

Les enfants se prennent en charge
Les enfants se prennent en charge

Un centre qui était à l’abandon laisse entendre aujourd’hui de la musique classique sur guitare et piano, voir et apprécier de la peinture à travers le club des arts plastiques, l’apprentissage de l’anglais pour différents niveaux par Mr Larinouna, des cours de soutien dans différentes matières, de l’audio-visuel axé sur l’initiation à la photographie, aux prises de vue et montage avec musique et sons.

Endroits bien aérés
Endroits bien aérés

La bibliothèque de l’établissement dispose de la connexion Internet avec accès gratuit pour les membres. « Les enfants et jeunes personnes ne paient que 400 DA par an pour la carte d’abonnement et nous avons obtenu un contrat assez spécial de la part des services de la poste pour que tout jeune puisse accéder à l’information diffusée par Internet » précisera, fièrement, Mr Fadhloune.

Un directeur au fait de ce qui intéresse les jeunes
Un directeur au fait de ce qui intéresse les jeunes

A l’entrée, sans aller plus loin et risquer de s’y perdre, le jeune dispose d’un espace, le point d’information, pour se renseigner sur les différents types de formation professionnelle et un point d’écoute est là pour tout soutien psychologique dont les jeunes ont -très souvent- besoin. A un endroit retiré du premier étage, un espace « jeux d’échecs » accueille les jeunes pour une initiation. « Nous avons en projet pour le début de l’année 2015 l’ouverture du « coin cuisine » réservé aux femmes, quel que soit leur âge » dira le responsable qui table sur une augmentation conséquente du nombre d’abonnés.
Il reste à souhaiter que ce genre de centre d’activités voie le jour un peu partout dans cette ville qui compte pas moins de 210 000 habitants, en majorité des jeunes, et qui ne demandent qu’à se retrouver entre eux.

Concentration et logique apprises aux enfants
Concentration et logique apprises aux enfants


El Djenadia la musique andalouse à l’honneur

Défense du patrimoine andalou national
Défense du patrimoine andalou national

Dans les plaines de la Mitidja, au milieu des orangers de la ville de Boufarik, une association de musique andalouse s’affirme de jour en jour, se dévoile comme une école de pérennisation de la musique issue de la lointaine et toute proche andalousie. De création récente -1985- El Djenadia, du nom du maître Boualem Djenadi décédé en 1972, l’association compte aujourd’hui plus de 110 éléments répartis entre quatre stades d’apprentissage. « Son objectif premier demeure la perpétuation de l’art andalou » comme le déclare son président, Mr Essemiani.

Artisans du développement de El Djenadia
Artisans du développement de El Djenadia

Ce vendredi 10 octobre a été l’occasion de présenter le 8°CD de l’association à la salle Ibn Zeydoun d’Alger. Deux albums, une nouba H’sine et un M’dih haouzi ont donné à voir au nombreux public une harmonie des instruments et des voix qui procurait du plaisir ; les invités de marque parmi lesquels nombre de présidents d’associations, de chanteurs et de musiciens comme le maître Saoudi, passeront près de deux heures à goûter aux mélodies issues des M’cedder, B’taïhi, derdj et insirafat : des moments dans l’évolution de la nouba dans le mode H’cine. El Djenadia défend la musique andalouse dans son genre Sanaâ de l’école d’Alger en privilégiant les instruments traditionnels comme la kouitra, le luth, la mandoline, le qanun et autre r’bab.

Le qanun, parmi les instruments phare de la musique andalouse
Le qanun, parmi les instruments phare de la musique andalouse

Les chanteurs comme Imed Houari, Nassim HAMED Boughezala, des rossignols humains, ont enchanté l’assistance avec les Istikhbarat et Insirafat tels « Ô toi dont l’esprit est le jouet de ce vin frais », « Nous avons bu et notre ivresse fut agréable » des moments forts qui font dodeliner de la tête au rythme des instruments si bien joués par des jeunes tels la demoiselle Boumdal avec la mandoline, Bouzar au violon ou Koudia à l’alto : des airs qui font fuser spontanément des applaudissements nourris.

Grande ovation du public à la fin du récital de 2 heures.
Grande ovation du public à la fin du récital de 2 heures.

L’association prend de l’ampleur et participe à plusieurs manifestations dans les villes d’Algérie et à l’étranger. M. Samir Boumdal, vice-président, se déclare « satisfait du développement de la représentation de l’école musicale El Djenadia qui protège ce riche répertoire du patrimoine national. » Plusieurs prix ont été décernés à l’ensemble musical, même en individuel avec le premier prix au concours international d’Ankara (Turquie) pour Bensaïd Rezkellah avec la mandoline en 2010 et Bouzar Ali pour le même instrument lors du festival international d’Alger en 2011.

Des vêtements traditionnels qui ajoutent au charme.
Des vêtements traditionnels qui ajoutent au charme.


Modiano pour le Nobel de littérature

Un Français, le quinzième du nombre, vient de se voir décerner la plus haute distinction littéraire, le Nobel de littérature. A 69 ans, et après plus de 36 ans d’activité et une trentaine de livres, Patrick Modiano se voit récompensé pour « l’art de la mémoire, pour avoir dévoilé le monde de l’Occupation » selon les responsables du Prix. Ces années tragiques d’une époque trouble existent également en Algérie. Les traces physiques et psychiques sont toujours présentes, marque d’une colonisation vieille de plus de 130 années. Kateb Yacine, Mouloud Mammeri, Mohamed Dib, Mouloud Feraoun, contemporains de Camus et de Roblès -pour ne citer que ces deux-là n’avaient jamais cessé de rendre compte des mondes européen et arabe de 1930, année de l’Exposition universelle de Paris, à 1962, année de l’indépendance … pour les Algériens et du déchirement pour les Pieds-noirs.

Ce prix attribué à Patrick Modiano est perçu donc différemment en Algérie même si les puristes reconnaissent à l’auteur de Rue des boutiques sombres, prix Goncourt en 1978, un art de l’autobiographie jamais figée. Lui-même disait que « l’autobiographie est vaporisée dans l’imaginaire, aérée. » Les romanciers algériens s’imprégnaient également de leur quotidien pour dresser des tableaux, parfois douloureux, de familles algériennes, jamais, baignant dans le bonheur. Les personnages algériens, notamment les paysans, laissaient entrevoir un monde à part à une époque où les progrès industriels se ressentaient dans le quotidien non pas des Algériens de souche, mais dans celui des Français d’Algérie, eux-mêmes tributaires quelque peu des Français de l’autre côté de la méditerranée.

Ce quotidien quelquefois tragique est présent également dans le dernier roman de Kamel Daoud (cf plus haut dans les articles du blog) et il serait bon de faire faire une étude comparative des oeuvres de romanciers français et algériens pour la même période.


Rituel de l’Aïd

Difficile pour un non-musulman de comprendre l’esprit de sacrifice entourant la fête de l’Aïd Adha (sacrifice). Dans son essence même, le terme « sacrifice » implique un effort que doit accomplir tout musulman. Cependant, vivre au XXI°siècle suppose l’actualisation des rites et des devoirs religieux. C’est pourquoi, les partisans de la modernisation de la religion butent sur l’implacable conviction de la majorité qui veut que « rien ne bouge » et qui voudrait même revenir aux applications intégrales de ce qui se pratiquait du temps du Prophète (cf ce qui se passe dans la région du Moyen-Orient contrôlée par l’Etat islamique. Des exégètes religieux et des savants « tentent » d’évoquer un sacrifice plus en adéquation avec les années 2000 : faire un don en espèces ou en nature pour les millions de pauvres à travers le monde, sans spécification de la religion du démuni.

Y a-t-il obligation d'égorger un mouton ?
Y a-t-il obligation d’égorger un mouton ?

En attendant cette réalisation quasi utopique, il est malheureusement constaté profusion de « violence » à travers tout ce sang écoulé en un jour, ces moutons qu’on passe au couteau, sous le regard des enfants la plupart du temps. En Algérie, il n’est nul besoin d’aller à l’abattoir, un lieu sûr, puisque toutes les familles égorgent leurs moutons chez soi et qui va alors contrôler la santé du mouton sacrifié ? Les grandes cités urbaines ne bénéficient point d’un lieu collectif pour l’abattage et chacun de se proclamer « égorgeur » au nom d’Allah ! Les parties viscérales impropres à la consommation sont enterrées sans aucune précaution, à la portée des chiens et chats errants. Les peaux de moutons sont accrochées aux branches d’arbres, le mouton lui-même demeure accroché jusqu’au soir afin de se vider complètement de son sang. Nul n’est à l’abri d’une maladie. L’Etat est absent, tout occupé à gérer ses intérêts propres et la débrouillardise règne en maîtresse des lieux.

Veille de sacrifice, moutons mal parqués
Veille de sacrifice, moutons mal parqués

Beaucoup de jeunes, notamment dans le milieu universitaire, pensent sérieusement à tenter de faire changer les choses en axant la fête de l’Aïd non pas sur le sacrifice du mouton mais sur le temps de prière, de bénédiction et orienter la masse financière vers plus de scolarisation des enfants, plus de confort chez soi, plus de santé préventive. L’obligation religieuse sera donc compensée à travers des actes qui pourraient s’étaler sur l’année. Même le cheptel ovin national pourrait être sauvegardé puisque l’envolée des prix en cette période de l’année n’a pas de limites, dans … un pays musulman.canards

Blida, ville de plus de 200 000 habitants, ne dispose que d’un seul abattoir situé à 14 km du chef-lieu ! Il est temps que les pouvoirs publics se penchent également sur cette question en réalisant des structures légères pour pallier à toute conséquence fâcheuse en ces jours de relâche. Et si on se mettait à sacrifier d’autres animaux, de la volaille par exemple ? Le cheptel algérien en sortirait gagnant !


Kamel Daoud, le dinosaure

 

www.algérie-focu.com
Kamel Daoudwww.algérie-focu.com

Kamel Daoud, un chroniqueur algérien, vient d’obtenir le 26 septembre le prix des cinq continents de la francophonie pour son ouvrage « Meursault, contre-enquête » en contrepoids à L’Etranger de Camus. Une deuxième récompense après le prix  François Mauriac que vient de lui décerner l’Académie française pour le même livre. L’identité de l’Arabe apparaît enfin sous le personnage de Haroun, le frère de Moussa tué par Meursault sur une plage ensoleillée. Haroun est lui-même étranger à Oran, dans sa propre ville, son propre pays.

Soixante-dix ans après l’acte de Meursault, Haroun, toujours tourmenté, se libère en confiant ses années de souvenirs, de souffrance. L’auteur, Kamel Daoud, rajoute une polémique, quelque peu différente, à toutes celles qu’il égrène dans ses articles sur l’Algérie contemporaine. Il se lance dans la littérature et son essai est un coup de maître ! Son roman concourt également pour le Goncourt 2014 et le Renaudot.

Agé de 44 ans, Kamel Daoud a suivi des études de lettres françaises après un bac en mathématiques. Il a déjà obtenu des prix pour le recueil de nouvelles Le Minotaure.

Les jardins d’Oran et d’Alger

Le roman, Meursault, contre-enquête, apporte le point de vue arabe sur la question de L’Etranger et la présence de Camus pourrait faire encore plaisir à tous les amoureux de la littérature de ce côté-ci de la frontière. Nombre d’Algériennes et d’Algériens, du même âge que Kamel Daoud et plus, reprennent goût à l’écrit romanesque, surtout lorsque cela les interpelle. Des auteurs universitaires de la critique tels Christiane Chaulet Achour, Amina Bekkat et autres Bouba Tabti accueillent Kamel Daoud comme un contre-champ à tout ce qui a été écrit sur Camus à l’occasion du centenaire de la naissance de l’écrivain.

Au moment où le monde débat sur l’extrémisme religieux, l’islam djihadiste et vit l’infernale violence émanant de groupuscules se targuant de détenir la vérité de l’islam, le roman de Kamel Daoud nous réintroduit dans les jardins, non pas de Cordoue ou de Grenade, mais d’Oran et d’Alger, en évoquant l’Arabe, même si un autre type de violence est là, présent, latent. Cependant, quelle différence avec ce qui est enduré en ce XXI° siècle ! Des dizaines de morts au quotidien, quand ce ne sont pas des centaines, des milliers au nom d’Allah ! Heureusement, un dinosaure nommé Kamel est là pour engloutir nos peurs.