Abdelkrim Mekfouldji

Presbytère en pleine cité

Avec la colonisation de l’Algérie, dès 1830, il y eut des malheurs, des morts, des destructions, des expropriations, des tortures, des viols et il y eut quelques éclaircies avec toute une administration laissée en place, érigée d’abord afin de servir les intérêts des Français d’Algérie –des pieds-noirs- puis des indigènes autochtones. Il y eut également des missions d’évangélisation, un presbytère en pleine cité fait office de témoignage, et notamment dans les montagnes de Kabylie et surtout, en fonction de l’avancée de l’armée de colonisation. Eglises, presbytères, chapelles sont érigés pour mettre en confiance les nouveaux colons mais également pour amadouer tous ces petits indigènes et leur offrir une nouvelle religion.

Cité à Boufarik se démarquant par le pneu et le presbytère

La Mitidja, vaste espace agricole adorée par les colons, fut totalement occupée en 1848, soit à la reddition de l’Emir Abdelkader. L’armée installait des casernements pour la protection des citoyens européens contre les invasionsde tribus. Des relais étaient assurés entre les différentes bourgades, annihilant toute idée de reprise des terres. Pas plus d’un quart d’heure pour les soldats en cas d’attaque indigène. Ainsi, les villages étaient distants de 6 à 8 kms en moyenne et c’est ainsi que la région vit fleurir Mouzaïa, Chiffa, Soumaa, Chebli, Birtouta, Bougara, Beni Mered, Boufarik. Cette dernière bourgade n’était qu’un immense champ inondé et il y eut des travaux de drainage dès les premières installations en 1836. Les terres d’indigènes étaient expropriées et offertes sur un plateau aux colons venus à la recherche de l’Eldorado. Il leur fallait cependant construire une administration, une chapelle, une école et un poste de gendarmerie. Il est recensé 120 résidents français permanents en 1838, bien loin des 80.000 habitants (estimation2015), soit une augmentation en moins de deux siècles, de près de 660%. Entretemps, Boufarik est devenue une daïra (sous-préfecture) et jouit de son statut d’agglomération à 35 kms d’Alger. D’où également ce presbytère en pleine cité, avant au milieu d’une végétation.

Presbytère pour Jésuites depuis 1836

Une architecture ayant survécu à tous les temps, demeure en pleine cité, là où existaient des champs d’arbres fruitiers, c’est le presbytère de Jésuites, qui ne paie pas de mine. Aïssa Mennacer, 64 ans, y a érigé son logis, lui ayant demeuré célibataire et ne jouissant d’aucune pension. Il aimerait bien retaper l’intérieur mais personne ne songe à lui acheter de la peinture, du matériel ou, tout bonnement, lui avancer de l’argent.

L’occupant des lieux, un SDF…

Aujourd’hui, le lieu est devenu une curiosité architecturale de 20 m² avec un dôme qui rappelle les coupoles de la ville d’El Oued, ville aux mille coupoles. Erigée au milieu des arbres et d’une végétation drue, elle impose sa présence maintenant au milieu d’immeubles d’habitation rectangulaires et aucun responsable local n’a songé à lui donner un peu d’élan. N’était-ce la plante grimpante recouvrant une bonne partie de la construction, on aurait dit un four au milieu de la Cité, surtout avec la canicule ambiante. A quelques mètres, un pneu de tracteur assure  le respect du croisement de deux allées de la cité qu’on connait sous le nom de « cité 18 », déformation de « cité des Jésuites ». Les jeunes sont en vacances et au chômage pour la plupart. La piscine qui vient d’être inaugurée est accaparée par les équipes sportives. L’idée d’un créneau horaire pour chaque groupe de bâtiments pourrait être une solution, en attendant mieux.

Deux architectures qui coexistent, sans gêne


Pénible mois de ramadan

Difficile de jeûner par autant de chaleur et des conditions de travail très pénibles ! Pénible mois de ramadan avec des candidats au bac devant supporter une chaleur de plus de 30°C dans des salles mal aérées et non climatisées. Des manœuvres bétonnent dans de grands espaces destinés à devenir des immeubles d’habitation avec, derrière eux, des promoteurs acculés par les délais de livraison. Des enseignants à l’université obligés de procéder à la correction de centaines de copies pour les examens de fin de semestres et pour les rattrapages de synthèse. Des chauffeurs-livreurs  contraints d’acheminer la marchandise par n’importe quel temps ! Il faut de tout, même des gardiens de champs d’arbres fruitiers qui vous jurent qu’ils ne dorment que d’un seul œil durant plus de quinze jours afin que la récolte du patron se déroule sans trop de pertes.

Blida déserte dans la journée

Dans les foyers à forte population par famille, pénible est le mois de ramadan également ! Foyers avec parfois jusqu’à quinze personnes, la femme arrive difficilement à être fin prête à l’heure du f’tour. Dur dur de préparer deux à trois plats et les différentes entrées ainsi que la soupe.

Table de ramadan préparée avec grands soins

Aïcha, habitante du centre-ville, se plaint de ne pas retrouver une main s’associant aux charges du potager : « Je fais la vaisselle juste après le manger avant de tomber raide dans mon lit parce que ma belle-fille se croit dans un hôtel. » Pénible mois de ramadan pour cette sexagénaire. Une autre femme, Meriem, n’a que des garçons, cinq, qu’il faut contenter chacun à sa manière. « J’ai celui qui n’aime pas les légumes frits, un autre qui n’aime pas les légumes secs, un troisième qui continue à se croire à la rue et réclame des sandwichs. »

Table garnie avec soins

La chaleur n’est pas le seul handicap puisque l’état moral des jeûneurs influe également sur le comportement. Les cas de disputes dues à la nervosité sont fréquents, notamment au marché. À Blida, le souk est pris d’assaut dès 11h et tout s’écoule avant 16h, soit cinq heures d’intenses échanges qui débouchent généralement sur des altercations, la majorité étant sans gravité. Mais il arrive que ces échanges verbaux se terminent par des blessures graves, voire même des assassinats comme cela vient d’être relaté dans la presse nationale du côté de Bouira (100 km à l’est d’Alger) où un vieil homme a tiré sur une belle-sœur et ses deux enfants juste avant le f’tour avant de prendre la fuite.

Eviter toute source de disputes durant le ramadan

Au fil des jours qui s’allongent lentement, les nerfs des travailleurs subissent les affres de l’abstinence et de la chaleur excessive. Il vaudrait mieux éviter tout contact rapproché, toute remarque déplacée pendant près de seize heures au quotidien. N’empêche ! Certains ont trouvé durant ce mois de quoi s’occuper, le farniente étant le fort de nombre de Blidéens.

Soirées source d’achat également, dans des ruelles envahies par les commerces parallèles

Nous sommes loin de la piété, des soirées musicales en ce pénible mois de ramadan, par 40° à l’ombre !


Bourrage des urnes lors des dernières élections en Algérie

Vous avez dit « vote démocratique » ?

Déception totale des électeurs et des citoyens abstentionnistes à Blida suite aux résultats du dépouillement des bulletins de vote pour les élections législatives qui ont eu lieu le 4 mai dernier.  On ne peut pas parler de « vote démocratique » ! Ces mécontents déclarent que les urnes avaient été manipulées. Bourrage des urnes ! Sinon, comment expliquer que les partis habituellement favoris à Blida, département de plus d’un million d’habitants, ne se voit élire que trois listes sur 22 ? Avec 10 élus pour le Parti au pouvoir, deux pour le second parti puis le vide avant le repêchage d’un candidat d’une liste indépendante. On parle ouvertement de bourrage des urnes lors des dernières élections.

      Bulletins nuls dépassant les 1,7 million.

Participation dérisoire

A la fin, ces législatives algériennes ont subi l’affront de l’absentéisme avec un taux de participation qui atteint difficilement les 35%. Et il faudra en ôter le nombre de bulletins nuls approchant les 18%, soit près de 80% de citoyens refusant ces législatives.

Le nombre d’inscrits en Algérie étant de 8,2 millions, seuls 2,3 millions ont voté ! Et encore, plus de 1,7 millions de citoyens ont introduit des bulletins considérés comme nuls ! Cela démontre le refus de ces législatives où ne s’étaient présentés que des personnes « prétentieuses ». Des affairistes voulant arracher une retraite dorée, ou d’autres à la recherche de l’immunité parlementaire tellement elles sont trempées dans les affaires douteuses. Vous avez dit « vote démocratique » ?

         Des bureaux vides partout

Résultats biaisés

Le parti au pouvoir, le FLN – non celui de l’histoire de la Révolution algérienne, s’est vu octroyer 164 sièges sur les 432 possibles. Cela lui donne une majorité écrasante. Une mobilisation de toute l’administration étatique, des moyens colossaux mis à la disposition des communes mais un désintéressement flagrant des citoyens. Même le Premier ministre a incité les Algériennes à « frapper » leurs maris et les obliger à aller voter de force ! Une honte bue…

              Les soucis sont ailleurs

Blida, ville de plus d’un million d’habitants, dispose de 13 sièges à l’Assemblée mais tous ces élus ne vont plus réapparaître durant leur mandat. Le jeudi 4 mai, jour des élections, 1711 bureaux de vote répartis sur 265 centres de vote devaient mobiliser près de 700.000 électeurs a vu une participation de 287.000 électeurs, près de 41%. Un taux plus fort que la moyenne nationale ! Cependant, nombre d’observateurs ont parlé le soir même du scrutin de bourrage des urnes. Vous avez dit « vote démocratique » ?

Des législatives refusées dans certains villages

Le commun des citoyens évoque avec un sourire bien large l’absence réelle de transparence, de démocratie en ce mois de mai de l’année 2017…en attendant les communales.

           ça dort en attendant …


Le cimetière chrétien à Blida à l’abandon

Le cimetière chrétien de Blida est laissé à l’abandon et les morts sont sans défense ! Pourtant, l’ambassade de France avait promis l’emploi à temps plein de trois jardiniers…

Déjà, en 2005, lors du déplacement des restes de personnes de confession chrétienne des cimetières de bourgades des environs de Blida comme Ouled Yaïche et Chiffa, le Consul général de France en Algérie avait évoqué le renforcement du personnel d’entretien du seul cimetière encore « en activité » : celui de la rue Yousfi Abdelkader à Blida.

Un portail ouvert et un cimetière à l’abandon

Douze ans après, le cimetière laisse voir une forte végétation, des caveaux profanés, des saccages faisant honte à la France et à l’Algérie. Des élèves de Terminales, venus faire une sortie d’études, ont été témoins en ce mois d’avril de l’état d’abandon et ont été choqués de voir les trous béants de certaines sépultures : « pourquoi ? »

Sépulture hors de sa tombe

L’histoire véhiculée par les tombes, les caveaux et les sépultures, à travers les noms de familles, les dates, les ornements, les « œuvres d’art » devrait être préservée par tous.

Végétation enfouissant le travail d’art

Constat amer de jeunes lycéens

« Je n’aurais jamais pensé qu’un tel travail de sculpture pouvait exister à l’intérieur ! » s’étonne Akila avant que Mustapha ne jette un coup d’œil par l’ouverture d’une tombe. Tous deux se révoltent de l’absence de défense pour ces os, ces êtres humains aujourd’hui décédés.

Noms chargés d’histoire

Cimetière chrétien : des tombes chargées d’histoire

Pourtant, les imprimeries Mauguin, Orta, les familles Daniel, Martinez conservent encore des souvenirs de leur passage à Blida à travers des noms de lieux, des noms de magasins, et Esma, jeune fille née en 2000, bien après l’indépendance du pays donc, revendique cette part d’histoire de la ville et voudrait bien écrire ces pages afin que la mémoire demeure. Le colonialisme français avait institué des cimetières par dizaines dans la Mitidja, riche pleine qu’il s’agissait de mettre en valeur. L’arrivée des colons depuis 1842 encouragea la construction d’églises, de chapelles, d’écoles et…de cimetières pour ces nouveaux arrivants.

Le départ des colons en 1962, à l’indépendance de l’Algérie, ne pouvait être accompagné de leurs morts et il s’agissait alors de faire respecter ces lieux par l’Ambassade de France. Au fil des années, l’abandon caractérisé donna lieu à des scènes de saccages, de profanation, non pas pour une différence de religion, non pas par vengeance, mais par vandalisme gratuit. Tout lieu abandonné favorisant son occupation par des groupuscules de désœuvrés, de laissés-pour-compte de la société.

Sépultures sans identité, rouille

Aujourd’hui, les cimetières des villages environnants ont été vidés de leurs os et les espaces libérés versés au domaine public avec édification d’espaces verts.

Os ramenés en 2013

Cependant, nulle excuse ne pourra justifier le cimetière chrétien à Blida à l’abandon, maintenant qu’il demeure le seul à être pris en charge.


L’enseignement en français, le casse-tête des étudiants algériens

Tout étudiant arrivant à l’université algérienne découvre que l’enseignement en français semble une règle dans les modules et matières dites scientifiques, technologiques ou dans les facultés de médecine, d’aéronautique.

Un enseignement des langues rigoureux

Enseignement à l’université algérienne

Facultés des sciences informatique et autres mathématiques, à technologie de pointe, sont dispensées en langue française !

Les étudiantes et étudiants se trouvent désemparés, eux qui avaient étudié dans les cycles du collège et du lycée en langue arabe, se retrouvent dès leur entrée à l’université confrontés à l’écueil de la langue. L’enseignement en français des matières dites scientifiques et technologiques se déroule « normalement » et rares sont celles et ceux qui trouvent que c’est anormal dans la politique algérienne et c’est aux intéressés de se débrouiller pour comprendre.

 

Personnel d'encadrement à l'Institut En nour

Les écoles de langues 

Ainsi, la course aux études du français langue étrangère fait dérouler le tapis aux instituts de langues, aux écoles privées de langues. Des étudiants n’hésitent pas à passer une année blanche afin de se perfectionner dans la langue de Molière.

Chaque année, près de 400 000 nouveaux bacheliers, dont plus de la moitié s’inscrit dans les filières scientifiques, doivent avoir un bon niveau de Français pour comprendre les cours. Généralement, il est demandé un diplôme de Français Langue Etrangère (FLE) à l’entrée de l’université. Donc, au moins 150 000 étudiants chaque année sont à la recherche de cours intensifs.

 

Ecoles de langues avec moyens modernes

Des instituts de langues, certains agréés par l’Etat, dispensent cet enseignement ciblé réparti par niveaux et adoptant des méthodes importées directement de France à travers le département culturel de l’ambassade de France à Alger,ou à travers les réseaux d’importation de manuels et CD d’apprentissage des langues.

Engouement pour les langues dès le jeune âge

 

L’Institut En Nour de Blida

A Blida, l’Institut privé En nour, doyen des établissements, assure ces formations pour les langues anglaise et française depuis près de 25 ans.

Pour le FLE, certains parents inscrivent leurs enfants dès le cycle primaire, se préparant ainsi très tôt à l’acquisition des langues étrangères ; des entreprises turques, coréennes, chinoises et égyptiennes n’hésitent pas à y former leurs cadres pour un minimum de communication avec les « décideurs » algériens, sans passer par les traducteurs.

Témoignage d’une étudiante

L’enseignement du français est réparti sur dix niveaux, nécessitant une mobilisation de vingt mois pour l’étudiant à raison de six heures hebdomadaires. L’étudiant ressort avec une attestation de réussite mais est-il suffisamment formé pour affronter les études supérieures ?

Maroua, étudiante en niveau 4 et poursuivant des études de sciences économiques, déclare qu’elle retrouve un peu de détente à travers son passage à l’Institut, n’étant pas contrainte à des apprentissages « très techniques« . Pour elle, « l’enseignement en français demeure une des contradictions de la société algérienne« .

 

Promotions successives de l'école En-Nour

L’origine des étudiants

Le prix de la formation, assuré intégralement par les parents, ne semble pas être une gêne pour ces jeunes qui n’hésitent pas à venir de villes et villages à 40 km à la ronde : Arbaa, Miliana, Boufarik, Beni Mered, El Affroun, ainsi que le chef-lieu Blida.

Ces villes apportent chaque année un flot sans cesse grandissant de ces apprenants, démentant ainsi le slogan étatique d’une arabisation de l’université.

Attestations et diplômes sont remis à l'issue de la scolarité

Les sciences francophones en Algérie ont encore de l’avenir et la ministre de l’éducation nationale, Mme Nouria Benghebrit, ne semble point y trouver une contradiction, tout autant que le ministre de l’enseignement supérieur, les deux se trouvant sans doute happés par le flot important de la masse juvénile du pays.