Farid Khodja et le r’beb
Artiste interprète de musique arabo-andalouse, Farid Khodja et le r’beb ne peuvent être dissociés. Cet instrument de musique, le r’beb, hérité de son regretté oncle Mohamed, l’accompagne partout. Le maître est connu à Blida et ailleurs en Algérie et sur certaines places au Maroc, en France et en Espagne avec son r’beb même s’il joue également du piano et du violon. Son 5ème CD, NARANJE, sort dans les bacs ces jours-ci.
Une jaquette signée Denis Martinez
Perfectionniste à souhait, Farid Khodja fait appel à l’artiste blidéen Denis Martinez, pour la conception de la jaquette.
Ce dernier accomplira son travail avec amour, à travers les signes et les points « terriblement » personnels et qui ravivent un passé territorial partagé avec le chanteur. A bientôt 75 ans, Denis Martinez est surtout connu maintenant pour son nomadisme entre Aix-en-Provence, Tizi Ouzou et Blida : il balise ses parcours avec ces signes qui l’exhibent également comme poète.
Avec Farid Khodja, des jours et des semaines, des nuits et des doutes ont donné ce produit unique, fierté des deux !
Un fond rouge, orange sanguine (?) rempli de signes, encadre l’image d’un arbre porteur d’oranges, marqué dans son centre par une sorte d’estampille de l’artiste Martinez, le terme « Naranje » en langue arabe, sur fond noir à l’intérieur d’un cercle de signes –encore !- et le nom du chanteur en arabe et en français ainsi que le titre au bas de la jaquette. Œuvre artistique en elle-même, la jaquette attire d’emblée la curiosité.
Une première avec l’accordéon
Les 16 morceaux interprétés –avec des titres écrits en arabe au dos de la jaquette, sont dirigés pour l’orchestre par l’éminent Abdelhadi Boukoura et, nouveauté, un nouvel instrument voit son apparition, l’accordéon, joué par Margarita Doulache, une artiste bien connue maintenant du cercle des mélomanes en Algérie puisqu’elle multiplie les passages dans les festivals, les concerts, les soirées estivales.
Un livret accompagne le CD
Autre nouveauté, Farid khodja a voulu faire les choses en grand en innovant à travers l’accompagnement du CD par un livret d’une vingtaine de pages où on pourra lire une intervention de Abdelhadi Boukoura (auteur du texte sur Blida), une intervention de maître Mansour Kissanti qui évoque ses souvenirs de la ville de Blida, Denis Martinez qui parlera notamment de son travail sur la jaquette et des photos illustrant plusieurs passages de Farid Khodja et le r’beb dans les concerts et festivals.
Pourquoi « Naranje » ?
L’explication du titre figurerait comme une légende à se raconter dans les nuits parfumées de quelques jardins de la Mitidja, la vaste région dont Blida demeure la capitale.
Ainsi, Naranje (mot arabe du bigaradier) est un agrume auquel est collé une superstition datant du Moyen-âge en terre d’Andalousie. Le bigaradier a connu une fin tragique et rapide en même temps, d’où la superstition de ne point en planter parce qu’il fut témoin de la chute de Grenade. Son statut d’arbuste d’ornement deviendra à Blida où il fut ramené par les Maures revenus d’Espagne, le symbole de la résistance ! « Il est là depuis longtemps, resté le seul à témoigner d’un certain raffinement des familles blidéennes. »
Effectivement, et selon l’artiste, tout le patrimoine matériel et immatériel de la ville des roses a disparu sous les coups de boutoir d’un urbanisme sauvage. « C’est comme si le bigaradier, de larges avenues en sont toujours plantées sur les côtés, est témoin de cette volonté de faire table rase de notre histoire, d’effacer toutes les traces reliant les natifs de Blida à leur passé. »
Enfin, l’artiste accuse ces irresponsables à différents niveaux de l’administration qui, sous l’argument du bannissement des séquelles du colonialisme, ôtent différents symboles de la ville.
Signification de « Naranje »
La première syllabe de « naranje », nar, signifie en arabe le « feu » , l’ « enfer ». « On veut faire de nous des « apatrides » dans notre propre ville ! Chanter devient alors une résistance, un engagement ». Serait-ce alors un ange en enfer ? nar-ange s’appliquerait-il à Farid Khodja et le r’beb ? Surtout que l’origine de l’agrume est persane, sanskrit et arabe.
Le r’beb
Un instrument racé (rebab, r’bab, rabab), rustique et ancien, fait d’une seule pièce de résonance et de boyau d’animal, demeure rare dans les associations de musique andalouse. Il est surtout connu en Iran (Perse) et se joue de l’Indonésie jusqu’au Maroc.
A 52 ans, l’artiste promet encore davantage de CD et de récitals pour perpétuer un genre où les influences étrangères ainsi que les « escapades sonores » enrichiront son palmarès fait également d’apparitions dans certains films et documentaires.
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